Diminuer les produits phytos sur les céréales
Dans la Beauce, la famille Billard teste avec succès la réduction d’intrants en jouant sur les variétés, le désherbage mécanique et la biodiversité.
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« Les phytos, c’est comme les antibiotiques, ce n’est pas automatique ». En appliquant ce fameux slogan à sa ferme, Jean-François Billard a supprimé de nombreux traitements sur ses céréales, tout en se gardant la possibilité d’intervenir si besoin. Basé à Dammarie (Eure-et-Loir), au sud de Chartres, il cultive 120 ha et possède un millier de ruches dont 800 en pleine production. Avec ses quatre associés, ils élèvent des reines, produisent du miel et le transforment.
En 2008, lors de l’installation, Jean-François Billard enregistre des pertes d’abeilles anormales. Il fait analyser la cire : elle contient de nombreux produits phytosanitaires. Il décide d’acheter des cadres en bois français, de renouveler la cire tous les quatre ans, et de parler à ses voisins. « Il y avait beaucoup de phytos dans la plaine. Comme nous sommes une vieille famille de paysans du coin, nous avons pu dialoguer. Dans d’autres secteurs de transhumance, c’est plus compliqué, en particulier pour les insecticides sur le colza. Certains traitent encore en pleine journée », souligne Jean-François. Xavier, le frère de Jean-François qui s’occupe des céréales, ajoute : « Les abeilles nous ont incitées à diminuer les traitements, mais également notre santé. Quand je rentrais manger, j’avais les yeux rouges ».
Les frères Billard ont banni les insecticides de leur exploitation. Pour réduire les autres intrants, ils introduisent, en 2018, du sarrasin à leur rotation classique colza-blé-orge. « C’est une meilleure tête de rotation que le colza. Le blé suivant atteint généralement de bons rendements », indique le céréalier. Le sarrasin est cultivé sur 30 à 40 ha, en culture principale semé fin avril, ou bien après un colza, semé mi-juillet, en semi-direct. La ferme est située sur une aire d’alimentation de captage. Cela a permis d’avoir une dynamique collective avec d’autres céréaliers, de trouver un débouché avec la coopérative Scael et de rémunérer cette culture, sans intrant, par un paiement pour service environnemental (PSE), à 600 €/ha, à partir de 2022.
Un mélange de blés
Le blé dur arrive également dans l’assolement et un travail agronomique est entrepris sur le blé tendre. Les raccourcisseurs, le premier traitement fongique et le blé sur blé sont supprimés. « La rouille nécessite un traitement curatif, mais la septoriose peut être évitée grâce à des mélanges de variétés », explique Jean-François, passionné de semences. Il frappe à la porte de l’Inrae pour obtenir des conseils et compose son mélange, en faisant attention à l’homogénéité des dates de montaison du blé. Après plusieurs années d’essais (1), il opte pour un mélange : Chevignon, Fructidor, Hyking et Winner à proportions égales, semé au plus tôt, mi-novembre.
Pour la récolte 2024, il sème son blé (200 grains/m²) à la mi-décembre, puis effectue un désherbage mécanique début janvier. « La houe rotative nous permet de nous passer des désherbants d’automne. Nous mettons seulement un anti-chardon au printemps », indique Jean-François, qui a ajouté un traitement antirouille, conseillé par le technicien. « Ça fait peur de supprimer des produits. On se demande jusqu’où on peut aller. Mais au final, les champs n’étaient pas plus sales que d’autres ».
Pour la fertilisation, le céréalier a arrêté les solutions azotées, jugées peu efficientes, et apporte 10 tonnes de compost par an par hectare, complété par deux apports d’ammonitrate (155 u/ha au total), selon les reliquats azotés sortis d’hiver. En 2024, il atteint 63 q/ha en blé, ce qui est correct au regard des conditions météorologiques et du peu de charges engagées.
(1) Ancien mélange : Chevignon, Fructidor, Hyking et Winner.
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